Mois de la prévention du suicide : questions-réponses avec Tania Boilar du Centre de prévention du suicide JEVI

Avertissement : Cet article contient des références au suicide et à l’intervention en situation de crise, ce qui pourrait inquiéter certaines personnes.

Si vous résidez au Canada et que vous êtes en détresse mentale ou inquiet pour une personne que vous connaissez, appelez le 1-866-277-3553 ou envoyez un texto au 535353. En cas d’urgence, composez le 911.

<< Oui, le suicide est un sujet dérangeant et difficile à aborder. Mais c’est en en parlant que nous pouvons briser la stigmatisation et aider concrètement une personne en crise. >>  Tania Boilar

Septembre est le Mois de la sensibilisation au suicide, une occasion de mettre en lumière un sujet souvent stigmatisé et de faire entendre la voix de ceux qui travaillent sans relâche pour soutenir les personnes en crise. Au Canada, le suicide est un problème de santé publique majeur : selon Statistique Canada, environ 12 personnes s’enlèvent la vie chaque jour. Pour souligner ce mois important, nous avons rencontré Tania Boilar, directrice générale de Jevi, un organisme sans but lucratif voué à la prévention du suicide dans les sept territoires des Cantons-de-l’Est, au Québec. Nous l’avons interrogée sur les réalités du travail de prévention du suicide et sur ce que chacun de nous peut faire pour contribuer à créer un monde plus solidaire et plus solidaire.

Quelles sont les idées fausses que les gens ont sur le suicide ou les idées suicidaires, et comment les abordez-vous ?

Malheureusement, de nombreux mythes et tabous entourent encore la question du suicide. Chaque jour, nous nous efforçons, chaque fois que nous le pouvons, de changer la perception du public à l’égard de ces mythes.

Par exemple, on entend souvent dire qu’une personne qui se suicide était soit courageuse, soit, au contraire, lâche. En réalité, ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est une question de souffrance. La personne qui se suicide ne voulait pas mourir ; elle voulait cesser de souffrir. Mais, selon elle, elle ne voyait d’autre issue que le suicide. C’est là qu’interviennent les centres de prévention du suicide : en offrant aux personnes en crise de nouveaux outils pour faire face à la détresse qu’elles ressentent.

On entend souvent dire que les personnes qui parlent fréquemment de suicide cherchent simplement à attirer l’attention ou à manipuler les autres. Pourtant, les propos suicidaires doivent toujours être pris au sérieux. Ce sont des appels à l’aide. Il faut également se méfier des propos suicidaires répétés ou prolongés. La répétition de ces messages peut entraîner une désensibilisation de l’entourage, réduisant ainsi la perception de la gravité de la situation.

Enfin, les personnes sont souvent mal à l’aise d’aborder le sujet du suicide avec leurs proches, de peur que cela ne leur fasse penser à l’idée. Or, ce ne sera pas le cas. Certes, le suicide est un sujet dérangeant et difficile à aborder. Mais c’est en en parlant que nous pouvons briser la stigmatisation et réellement aider une personne en crise. Demander directement à quelqu’un si il pense au suicide ne signifie pas suggérer l’idée, mais lui permettre d’exprimer sa douleur. Parler du suicide est important, mais il faut le faire avec prudence. Il faut éviter de banaliser le sujet, de mettre quelqu’un au défi de passer à l’acte ou de louer une personne qui s’est suicidée en qualifiant son acte d’héroïque.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous impliquer dans la prévention du suicide et qu’est-ce qui vous passionne pour cette cause ?

Puisque le suicide n’a ni visage, ni sexe, ni âge, ni origine, et que tout le monde peut être touché, il est très important pour moi de contribuer à réduire les taux de suicide et d’ouvrir le dialogue sur ce sujet. Je travaille chez JEVI depuis près de 20 ans et ce sujet me passionne toujours autant.

À l’époque, je terminais mon diplôme en travail social à l’Université de Sherbrooke et je cherchais un emploi pour débuter ma carrière de travailleuse sociale. L’occasion de travailler chez JEVI s’est présentée et je l’ai saisie ! Honnêtement, je ne pensais pas être douée en intervention de crise, étant naturellement plus anxieuse. Mais j’ai rapidement réalisé que mon anxiété était une force motrice pour moi, et non un obstacle. Elle m’a poussée à me remettre en question et à être très consciencieuse dans mon travail. Au fil des ans, j’ai acquis une expérience en intervention de crise que j’adore ! Cela signifie également que j’ai consacré toute ma carrière à la prévention du suicide. De plus, comme beaucoup d’autres, j’ai eu des amis qui se sont enlevé la vie ou ont tenté de se suicider. Cela me rappelle l’importance de cette cause.

Quand on voit tout le travail qu’on peut accomplir avec une personne en détresse, quand on voit l’état dans lequel elle est à son arrivée et comment elle repart à la fin du suivi, c’est incroyable ! Des personnes qui étaient prêtes au suicide et qui ont maintenant retrouvé une vraie joie de vivre, voilà notre véritable récompense. Chez JEVI, nous travaillons beaucoup avec la vie et l’espoir, et non avec la mort.

Pouvez-vous partager une histoire ou une expérience qui a eu un impact profond sur vous dans votre travail ?

Dans le cadre de notre travail, nous devons également nous rendre sur les lieux d’un suicide pour soutenir la famille et les proches qui viennent d’apprendre cette terrible nouvelle. Pour moi, ce sont toujours des interventions difficiles, mais aussi très enrichissantes. Lorsque nous devons annoncer à des enfants que leur parent s’est donné la mort et que nous constatons l’impact que cela a sur eux, nous nous rappelons immédiatement pourquoi nous faisons ce travail.

Avez-vous des rituels ou des pratiques qui vous aident à rester mentalement fort et résilient dans votre travail ?

Chez JEVI, la force de l’équipe, le soutien entre collègues et la présence constante du superviseur clinique sont essentiels. Certaines situations sont plus difficiles que d’autres et nous affectent différemment. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir des personnes à qui parler, de manière confidentielle et anonyme.

Sur un plan plus personnel, il est essentiel de créer une frontière entre le travail et ma vie personnelle. Pour moi, cela se passe dans ma voiture, en rentrant du travail. C’est le moment où je referme mes dossiers dans ma tête jusqu’au lendemain.

De quelles manières les gens soutiennent-ils le travail de prévention du suicide dans leur communauté ou parmi leurs proches ?

L’écoute est essentielle à la prévention du suicide. Être capable de reconnaître les signes avant-coureurs et d’aborder le sujet avec ses proches est le moyen le plus direct de s’engager dans la prévention du suicide au sein de la communauté. N’importe qui peut rencontrer une personne en détresse, s’intéresser à sa souffrance et l’orienter vers des services spécialisés en prévention du suicide.

En regardant vers l’avenir, quelles sont les prochaines étapes sur lesquelles votre organisation se concentre pour faire avancer la cause de la prévention du suicide ?

Dans les années à venir, nous souhaitons accroître notre visibilité au sein de la communauté et atteindre des groupes de personnes que nous n’avons pas encore pu atteindre. Nous souhaitons renforcer nos actions de sensibilisation, étendre nos initiatives de proximité et explorer des approches innovantes pour entrer en contact avec ceux qui pourraient avoir besoin de nous.

Si les fonds le permettent, nous souhaitons également renforcer notre équipe d’intervention afin de pouvoir apporter un soutien encore plus direct aux personnes en quête d’aide.

Pour en savoir plus sur Jevi, visitez leur site web : jevi.qc.ca. Si vous résidez dans les Cantons-de-l’Est, vous pouvez accéder à plusieurs services d’intervention gratuits et confidentiels en composant le 819 564-1354.

Si vous ou une personne de votre entourage êtes en situation de crise, voici plusieurs ressources qui peuvent vous aider :

Suicide.ca 
Tel: 1-866-277-3553
Service offert en anglais et en français

Jevi 
Tel: 819-564-1354
Service offert en français

Le Centre de Prévention du Suicide de Montréal 
Tel: 1 866 277-3553
Service offert en anglais et en français
Pour plus de ressources, visitez le guide de ressources de Vent Over Tea.

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